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Procédure de surendettement - Cour de Cassation, deuxième chambre civile, 28 mars 2024 pourvoi n°22-12797
Publié le :
01/07/2024
01
juillet
juil.
07
2024
Source : www.courdecassation.frREFERENCE
Cour de Cassation, deuxième chambre civile, 28 mars 2024 pourvoi n°22-12797RESUME
Dans un arrêt du 28 mars 2024 (numéro 22-12797) la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a dit notamment que lorsque la décision de recevabilité à la procédure de surendettement a été prononcée, il est interdit au créancier de prendre toutes garanties, suretés ou mesures conservatoires sur les biens du débiteur.
Cette décision a été rendue au visa des articles L722-2 Et L722-5 alinéa 1er du Code de la Consommation, aux motifs :- Qu’aux termes de l’article L722-2, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécutions diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunérations consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires.
- Qu’aux termes de l’article L722-5 alinéa 1er, la suspension et l’interdiction des procédures d’exécutions diligentées à l’encontre des biens du débiteur emportent interdiction pour celui-ci de faire tout acte qui aggraveraient son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu’alimentaire… Née antérieurement à la suspension ou à l’interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées à la suspension ou à l’interdiction de faire un acte de disposition étranger à la gestion normal du patrimoine ; elles emportent aussi interdiction de prendre toutes garanties ou sûretés.
En conséquence, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour de Paris du 4 novembre 2021 qui avait rejeté la demande d’annulation d’hypothèque judiciaire provisoire aux motifs que, d’une part que les dispositions de l’article L722-2 ne s’appliquent qu’aux mesures d’exécution forcée qui ont pour effet d’emporter diminution du patrimoine du débiteur et non pas aux mesures conservatoires qui ne produisent pas un tel effet et tendent à la constitution d’une simple garantie au profit du créancier, et d’autre part que l’interdiction de prendre toutes garanties ou sûretés est dictée par l’article L722-5 du même code s’applique au seul débiteur et non pas aux créanciers.
***
Antérieurement à cette décision du 28 mars 2024, sauf rares exceptions, il n’y avait pas véritablement d’obstacle (sauf de manière rarissime devant certaines juridictions) à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire ou une hypothèque légale attachée au jugement de condamnation sur un immeuble appartenant à un débiteur bénéficiant d’une décision de recevabilité de surendettement.
Malgré tout, certains auteurs, compte tenu du terme utilisé à l’article L722-5 alinéa 1er à savoir interdiction de « prendre » toutes garanties ou sûretés estimaient que la rédaction de ce texte interdisait toute inscription hypothécaire de la part d’un créancier, sur l’immeuble d’un débiteur à partir du moment où ce dernier avait fait l’objet d’une décision de recevabilité de surendettement.
Ces auteurs ne s’attachaient pas au fait que cet article L722-5 avait essentiellement vocation de décrire ce que ne pouvait pas faire le débiteur à compter de la décision de recevabilité de surendettement.
Ces auteurs, en définitive, ne pensaient pas comme on aurait pu le supposer que le verbe « prendre » résultait plutôt d’une erreur de vocabulaire du rédacteur du texte qui aurait dû employer le verbe « consentir ».
***
Désormais, cette décision de la Cour de cassation fait jurisprudence (sous réserves éventuellement de ce que pourrait décider la Cour de renvoi), et après sa diffusion conduira les juridictions à l’appliquer notamment de 2 façons :
- D’une part, par le refus des Juges de l’exécution d’autoriser un créancier à prendre un inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens du débiteur à partir du jour où celui-ci bénéficiera une décision de recevabilité de surendettement.
- D’autre part, en prononçant la mainlevée et la radiation d’hypothèque judiciaire provisoire ou d’hypothèque légale attachée au jugement de condamnation, qui auraient été prises postérieurement au jour où le débiteur aurait bénéficié d’une décision de recevabilité de surendettement.
Ce risque de remise en cause d’inscriptions prises postérieurement à la décision de recevabilité de surendettement du débiteur pourrait s’étendre aux inscriptions prises avant même la décision de la Cour de cassation du 28 mars 2024, sous réserve du délai de prescription applicable de droit commun de 5 ans (sur ce point, il convient d’approfondir les recherches car il faudrait aussi tenir compte du point de départ de ce délai de 5ans qui aux termes de l’article 2224 du Code civil est le jour où le titulaire d’un droit à connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action).
Par contre ce risque ne paraît pas devoir s’appliquer à une hypothèque judiciaire définitive qui aurait été prise postérieurement à la décision de recevabilité de surendettement, alors même que l’hypothèque judiciaire provisoire aurait été prise avant cette même décision de recevabilité et ceci compte tenu de la rétroactivité de l’hypothèque judiciaire définitive au jour de la prise de l’hypothèque judiciaire provisoire.
CONSEIL PRATIQUE
Sous réserves de plus amples recherches, les conseils pratiques résultant de cette décision de la Cour de cassation sont notamment les suivants :- Faire le nécessaire pour prendre au plus vite une hypothèque judiciaire provisoire ou une hypothèque légale attachée au jugement de condamnation, et ce dès la survenance des difficultés du débiteur même si une tentative de phase amiable est engagée, et ceci afin d’éviter d’être empêché de prendre ces mesures conservatoires par une décision de recevabilité de surendettement du débiteur.
- Envisager éventuellement de prendre, après la fin du surendettement du débiteur, de nouvelles garanties hypothécaires devant se substituer à des garanties dont la validité pourrait être susceptible d’être contestée (soit par le débiteur, soit par d’autres créanciers hypothécaires) comme ayant été prise après la décision de recevabilité de surendettement du débiteur. Afin de limiter le coût de ces nouvelles inscriptions hypothécaires, il conviendrait de solliciter auprès des Services de la Publicité Foncière l’unicité des créances avec les précédentes inscriptions pour éviter ainsi de payer deux fois les droits auprès du Service de la Publicité Foncière.
Pièces annexes :
- Arrêt de la Cour de Cassation du 28 mars 2024
- L’article L722-2 du Code de la consommation,
- L’article L722-5 du Code de la consommation
- L’article 2224 du Code Civil
Un article rédigé par Emmanuel JOLY
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